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Voyage AGRO 2020 : direction l’Aragon et la Catalogne !

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La 5ème édition du voyage Agro de la Chambre d’Agriculture s’est déroulée du 15 au 17 janvier 2020 dans le Nord de l’Espagne.

Après 3 voyages dans différentes régions françaises en 2016, 2017 et 2018 puis un voyage en Suisse en 2019, toujours autour de la thématique de l’Agriculture de Conservation des Sols, cette année c’est un groupe de 13 agriculteurs et 5 techniciens qui ont participé au voyage. Le dépaysement climatique est très fort dès que l’on traverse la chaine des Pyrénées, car les exploitations visitées reçoivent entre 600 et 200 mm de pluviométrie annuelle.


2 visites d’exploitations membres d’Agracon
 

Agracon est l’association Aragonaise d’Agriculture de Conservation qui a fêté ses 20 ans d’existence en 2019. Forte de près de 250 membres sur le territoire aragonais, il s’agit d’une des associations espagnoles référentes sur la thématique. Carlos Molina est le technicien de cette association, et nous avons visité 2 exploitations membres. Sous l’impulsion de l’association et pour faire face à des contraintes climatiques fortes (sécheresse, érosion éolienne…), 14% des céréales sont semées en semis direct en Aragon, contre 10% dans l’ensemble de la péninsule. Comme en France, la pression sociétale est de plus en plus forte contre l’utilisation de produits phytosanitaires, notamment le glyphosate. Carlos Molina rappelle lors de ses interventions que l’Agriculture de Conservation, pour être une agriculture durable, doit respecter les 3 principes suivants :

 - Rotations de cultures

 - Travail du sol réduit et semis direct

 - Couverture végétale permanente.

 

Il milite pour que le semis direct ne réitère pas les mêmes erreurs commises par le passé en Argentine, au Brésil… avec plusieurs années de monoculture : des sols qui s’appauvrissent, des résistances aux herbicides qui apparaissent… Aujourd’hui, la majorité des agriculteurs aragonais qui pratiquent le semis direct le font plus pour la réduction de charges et sont souvent en monoculture de céréales (blé-orge), avec les problématiques de résistances aux herbicides et de maladies que cela engendre.


Miguel SanMartin (Lupiñen, Huesca)

Agriculteur dans la plaine de Huesca, il sème l’ensemble de son exploitation en semis direct depuis 11 ans. Après plusieurs années de monoculture de céréale (blé-orge-blé…), pratique représentative du secteur, l’agriculteur a dû mettre en place des rotations pour faire face à des problématiques de résistances de graminées.

Depuis quelques années, il introduit des dicotylédones dans sa rotation, mais pas de cultures d’été car sans irrigation, les rendements sont trop faibles : Colza – blé – orge – féverole – blé – orge. Les rendements sur le secteur sont de 55 qtx/ha en céréales et 30 qtx/ha en colza en moyenne. Chez cet agriculteur, les pailles sont systématiquement restituées, et le chaume coupé haut (30 cm) pour ombrager le sol et faciliter le semis direct suivant (éviter de pincer la paille dans le sillon de semis). Aujourd’hui, aucun couvert végétal n’est réalisé sur l’exploitation car les couverts estivaux sont trop aléatoires.

Evolutions sur l’exploitation :

En passant des TCS au SD: rendement + 9% et coûts de mécanisation – 25%

En allongeant la rotation: rendement +20%

Réduction du temps tracteur: - 55%  mais plus de temps d’observation et de travail avec l’ETA

 

Parcelles visitées :

  1. Essai de colza associé à la féverole

Précédent féverole

Semis direct de colza le 17/09 au JD 750 A – 4 kg d’antilimace en systématique pour le colza

Problématique dicotylédones et destruction de la féverole : Kerb 1.875l + Lontrel 0.19l prévu prochainement.

Fertilisation : 160 kg/ha de 18/46 apportés courant janvier. Solde à 150 unités d’azote avec du soufre.
 

 

  1. Orge Planet semé en SD

Précédent féverole en 2018, blé tendre en 2019 (70 qtx/ha, exceptionnel pour le secteur).

Semis à 170 kg/ha mi-novembre.

Désherbage : 2l Defi + 0.12 l Compil.

18-46 ou 10-15-15 apporté au semis pour 130 UN en tout.

 

Un salissement maîtrisé.

Malgré une rotation basée uniquement sur des cultures d’hiver et des coûts de programmes herbicides maîtrisés, les parcelles en semis direct depuis plus de 10 ans sont très propres. Deux explications possibles par rapport au contexte français :

- Les dates de semis sont plus tardives (de début novembre à début décembre en moyenne), et permettent de détruire de nombreuses levées avant semis.

- Les céréales produites sont essentiellement fourragères (destinées à l’élevage porcin), donc des apports d’azote faibles par rapport aux rendements obtenus et pas d’apports « qualité » réalisés : avec moins d’azote dans les sols, moins d’adventices difficiles à contrôler.

 


Francisco Jaso (Perdiguera, Saragosse)

Dans le désert des Monegros au nord de la vallée de l’Ebre,  la pratique traditionnelle de l’agriculture est celle du « barbecho » : une céréale est semée 1 an sur 2, pour que pendant la longue interculture de 16 mois, le « sol se remplisse d’eau ». Des conditions dans lesquelles le semis direct est d’autant plus adapté pour réduire les charges et éviter l’érosion. De plus, en SD, les agriculteurs arrivent à semer chaque année en obtenant des rendements corrects pour la région, donc ils doublent le rendement par hectare.

La rotation mise en place est orge-orge-pois, espèces qui se comportent le mieux en climat aride. Les rendements moyens sont de 23 qtx/ha en orge, 16 qtx/ha en blé, 15 qtx/ha en pois. Du fait de la faible pluviométrie, la gestion des adventices est assez économe (les graminées sont gérées dans les pois, les dicotylédones dans les céréales), les fongicides sont très rarement utilisés car la rentabilité est très limitée.

 

Parcelle d’orge visitée  (18 ans d’historique en SD)

Précédent Pois (2018) – Orge (2019) – Orge (2020) variété Crescendo

Semis direct d’Orge fin novembre, à 2-3 cm de profondeur.

Pas de fumure de fond (apport occasionnel de 200 kg/ha de 8-20-8), pas de lisier (très intéressant, mais attention à son utilisation : en 2019, aucune pluie après application de lisier et l’orge a brûlé, résultats 13 qtx/ha…)

70 UN apportés en moyenne (50 UN si apport de lisier), sous forme d’urée soufrée positionnée avant une pluie.

Aucun glyphosate au semis, car pluviométrie nulle jusqu’en novembre et aucune levée d’adventice.

 

Une adventice estivale sélectionnée comme couvert végétal !

Comme le semis de couverts estivaux est trop aléatoire, l’agriculteur laisse les adventices estivales se développer l’été pour toujours avoir le sol couvert et produire de la biomasse. Salsola Kali, ou Capitana, et la Kochia (Bassia Scoparia), toutes les deux de la famille des amarantacées, se développent dans ses parcelles quand la pluviométrie le permet. L’agriculteur fait en sorte que le couvert spontané ne se développe pas trop en hauteur, car sinon les plantes sont arrachées et s’envolent dès qu’elles sèchent. Il gère son développement et sa destruction (3-4 semaines avant le semis des cultures) au 2,4 D.

 

      

Accumulation de Salsola Kali sur le bord du talus, une des zones les plus productives de la parcelle !                   

 Orge semé en direct dans les adventices estivales.

 

Avec de tels rendements, même si les charges sont comprimées au maximum, les agriculteurs locaux disent pratiquer une agriculture de survie. Les aides PAC sont similaires aux aides en France, ainsi que les prix des céréales, qui sont valorisées en grande partie dans les élevages porcins nombreux dans la région.

 

Discussion interne à Agracon : localiser la fertilisation ou pas ?

Pour des soucis d’efficacité des engrais, les agriculteurs de l’association échangent beaucoup sur la nécessité d’enfouir les engrais, notamment en localisant au semis. Selon les 2 agriculteurs visités, l’apport en plein est suffisant quand le « sol fonctionne ».

 

Prix du foncier dans le secteur :

Zone de Lupiñen (plaine de Huesca) : 10-14 000 €/ha sans irrigation, 20 000€/ha avec irrigation.

Zone de Perdiguera (Désert des Monegros) : 1500 €/ha


 

Usine de Déshydratation de luzerne de Bonarea (Bujaraloz, Saragosse)

Alluvions de la vallée de l’Ebre – 150-250 mm/an

De nombreuses usines de déshydratation de luzerne sont présentes dans la vallée de l’Ebre du fait d’un climat doux qui permet de réaliser en moyenne 6 coupes  et la présence d’irrigation presque non-limitante quand les lacs pyrénéens se remplissent l’hiver. L’eau est acheminée par de longs canaux depuis les lacs aux parcelles.

En zone irriguée, les rendements sont 80 qtx/ha pour l’orge, 140 qtx/ha pour les maïs et de 15-20 tonnes de matière sèche en luzerne. En sec, les rendements s’élèvent à 15 qtx/ha en orge. L’irrigation en année normale est de 1000 mm/ha. Les quotas d’irrigation sont répartis entre les agriculteurs au mois de mars par des organisations publiques en fonction des ressources disponibles et chacun réfléchit son assolement en fonction du volume disponible. 

 

Conduite de la luzerne :

Semis février – mars à 30 kg/ha, variétés méditerranéennes (Aragon, …).

Fertilisation : 800 - 1000 kg/an engrais complet 0-15-27 en 2 apports (en février puis après la 1ère coupe).

Récoltes : 6 coupes / an : avril à novembre

Fauche è 2-3 j de séchage è retournement andains è 2-3 j de séchage è récolte / remorque autochargeuse

Prix payé à l’agriculteur = 120 €/T MS moins le coût de la récolte, souvent fait en entreprise.

Les luzernes durent 3-4 ans à cause des 6 coupes par an et du matériel lourd qui passe régulièrement. 4 ans de maïs ou d’orge et maïs en dérobée complètent la rotation avant de revenir en luzerne.

 

Pour l’usine, l’objectif est que la luzerne arrive à 30% de MS pour pouvoir réaliser la déshydratation dans de bonnes conditions (aisé en été, plus complexe au printemps et en hiver). La luzerne est passée dans de grands cylindres par lesquels de l’air chaud est pulsé à 250 °C. L’air chaud est issu de la cogénération d’un moteur de 5000 CV qui alimente l’ensemble de l’usine.

L’usine visitée traite de la luzerne cultivée dans un rayon de 20 km, pour une production de 10-12 000 tonnes de luzerne par an à 18% de protéine. Systématiquement conditionnée en balles carrées, elle est vendue 210-220 €/t.  Cette production représente 700-800 hectares aujourd’hui, mais selon les cours des marchés, elle est déjà montée à 3500 hectares et 50 000 tonnes produites à l’année. A partir des balles carrées et en fonction de la demande des clients, l’usine produit également des bouchons de luzerne, qui peuvent être complémentés avec du son, des minéraux ou d’autres grains.

 

Cylindres pour la déshydratation de la luzerne

 


Usine Maquinaria Agricola SOLA (Calaf, Barcelone)

Entreprise familiale depuis 70 ans, c’est la 3ème  génération de Sola qui dirige l’entreprise aujourd’hui. Forte de 115 salariés, SOLA est particulièrement réputé pour ses semoirs à dents (notamment adaptés au semis direct), ses semoirs monograines, ses épandeurs d’engrais et ses trémies frontales pressurisées. L’unique usine est située à Calaf en Catalogne, et Sola exporte ses produits dans 24 pays différents.

Sur le fonctionnement, la fabrication de nombreuses pièces spécifiques sont sous-traitées. Puis, des éléments de semoirs, des trémies… sont faites à la chaine et stockées. Au moment de la commande, comme tous les semoirs sont adaptés aux demandes des agriculteurs (dans la mesure du possible), les assemblages sont réalisés au dernier moment. Ce fonctionnement offre beaucoup de configurations possibles sur les outils.

La production annuelle représente 320 semoirs monograines, pour un total de 2000-2500 éléments semeurs. 1000 semoirs à céréales sont également produits en moyenne, mais la marque de fabrique du constructeur reste le semoir Monograine Prosem K. L’usine est organisée en 2 périodes de production principales : les semoirs monograines de janvier à avril et les semoirs à céréales de septembre à novembre.

Aujourd’hui, la commercialisation se fait uniquement via des concessionnaires pour faciliter le service après-vente. Les délais de livraison sont de 2-3 mois, avec des tarifs préférentiels en morte saison, de juin à octobre pour les monograines par exemple.

 

Prototype de semoir monograine de 36 rangs à destination des pays de l’Est de l’Europe.

 


Exploitation de Cal Pauet (L’Espunyola, Barcelone)

Sols sableux (>50%) – 850 m d’altitude – 750 mm/an

SAU = 100 ha, dont 30 en cultures, 35 en prairies temporaires et 35 en landes et parcours. 4 UTH sur l’exploitation.

Seule exploitation en Agriculture Biologique visitée pendant le séjour, elle associe l’élevage et les cultures. 600 brebis de race locale « ripolhesa » pâturent des céréales, des couverts, les prairies en fonction du développement de chaque parcelle. Les céréales sont valorisées en farine (1000 kg/semaine produits), en semence d’engrais verts et tous les déchets de triage sont valorisés par le troupeau. Tous les agneaux issus de l’élevage sont vendus en caissettes en vente directe avec un atelier de découpe à la ferme.

 

 Pep Bover de la ferme Cal Pauet devant son moulin.

 

Diversité de cultures :

- Nombreuses variétés de blés locales et anciennes, pailles hautes

- 4 variétés d’épeautre, petit et grand

- Sarrasin

- Sorgho blanc

- Sainfoin, luzerne

 

Engrais verts:

- Légumineuses : vesce velue, vesce commune, erbs (Vicia ervilla)

- Crucifère: moutarde, radis

- Graminées: seigle, blés, avoines, orges

La chaine de triage pour arriver à cette diversité de semence est perfectionnée : trieur séparateur, trieur alvéolaire et table densimétrique, le tout en circuit  sans manutention entre les différents trieurs.

 

Exemple de rotation sur l’exploitation

Qatre - cinq ans de luzerne : fauche et pâture

Année 5 : Destruction de la luzerne par 2 passages de Dynadrive - Semis de méteil fourrager Vesce – Avoine + repousses de luzerne

Année 6 : semis direct d’orge précoce (2-3 semaines avant la date habituelle) pour que l’orge ait le temps de s’installer dans la luzerne.

Année 7 : semis direct de seigle par exemple.

Pivots de luzerne semée au printemps 2019, impressionnant !

Chaîne de triage : trieur séparateur, trieur alvéolaire et table densimétrique

 

La moisson est décomposée endeux étapes : fauchage andainage avec la moissonneuse (en ayant le convoyeur débrayé grâce à un système simple), reprise des andains avec la moissonneuse quelques jours plus tard. La qualité du grain récolté est ainsi grandement améliorée.