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[Dossier] Les intempéries mettent en arrêt l'agriculture ariégeoise

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Retrouvez nos conseils pratiques pour y faire face

Avec des précipitations depuis début janvier de 408mm à Montaut à 704mm à Cos sur les stations météo que nous suivons, le début d’année a été relativement pluvieux et les orages fréquents empêchent aujourd’hui de faire les travaux de saison. Voici quelques réponses aux questions que vous pouvez vous poser.

Quelles adaptations pour mon pâturage ?

Deux points sont importants : gérer le piétinement et gérer les surplus d’herbe dus à une mise à l’herbe tardive.
S'il est vrai que certaines prairies peuvent être particulièrement sensibles au piétinement, il est rare que ce soit le cas de toutes les prairies d'une exploitation.
Des alternatives existent :
❚ sacrifier une partie d'une prairie pour y mettre les animaux quand les conditions se dégradent vraiment (prairie qui se trouve à un endroit central par rapport au circuit de pâturage des animaux) ;
❚ jouer sur le chargement en augmentant les surfaces proposées au pâturage : donner accès à plusieurs prairies en même temps ou diminuer le nombre d'animaux ;
❚ jouer sur le temps de passage sur les plus grandes parcelles en les redivisant pour que les animaux restent le moins de jours possible sur la même parcelle ;
❚ surveiller la météo pour anticiper les pluies et amener les animaux sur une prairie plus portante, voire les rentrer momentanément dans les bâtiments si les stocks fourragers restants sont suffisants.
Pour gérer le surplus d’herbe :
❚ débrayer des parcs pour faire du stock puis profiter de la repousse en pacage ;
❚ gérer les grands parcs au fil pour éviter le gaspillage tout en préservant le reste de la parcelle ;
❚ faucher les refus de la parcelle juste avant que les animaux y entrent.

Quels conseils pour la récolte des fourrages ?

Avec des sommes de températures depuis le 1er février avoisinant les 1 300°jour en plaine, les prairies précoces commencent déjà à perdre en qualité si elles n’ont pas encore été récoltées.
Il faut privilégier la récolte en enrubannage pour pouvoir profiter de courtes fenêtres météo au plus tôt. Ne pas hésiter dès qu’une fenêtre se présente et se lancer dès que le sol est ressuyé.

Attention néanmoins à ne pas rentrer sur des parcelles encore trop humides, les traces marqueront la prairie sur du long terme.

Faucher à 7 cm minimum pour favoriser la repousse et surtout en condition humide pour améliorer la circulation de l’air sous le fourrage et l’isoler du sol humide.

Beaucoup de prairies se sont couchées avec la pluie, il faudra être d’autant plus attentif lors de la fauche et réduire la vitesse de coupe afin de ne pas laisser trop d’herbe sur place.

En cas de récolte en sec, il faudra faire particulièrement attention à l’échauffement des balles qui est favorisé par le pressage d’un fourrage humide.
Au vu des différences qualité entre les fourrages que vous allez récolter, entreposez-les selon leur qualité pour pouvoir choisir la qualité des fourrages à distribuer cet hiver pour vos différents lots.
Après la fauche, si les conditions le permettent, un apport de 30 unités d’azote (ammonitrate) peut être fait pour favoriser également la repousse.

Quels sont les bons réflexes pour anticiper l’hiver prochain ?

Vers début septembre, il sera intéressant de calculer votre bilan fourrager pour déterminer si vos stocks sont suffisants pour l’hiver et prévoir vos achats si ce n’est pas le cas. En cas de bilan négatif, une solution peut aussi être d’évacuer les animaux improductifs.

A l’automne, il faudra faire un point sur l’état des prairies pour déterminer lesquelles ont besoin d’un regarnissage voire d’une rénovation.

Cette année, au vu de la difficulté à récolter les fourrages, ceux-ci seront de qualité très variable. Il sera donc nécessaire d’analyser vos différents fourrages pour connaitre leurs valeurs alimentaires et pouvoir ainsi calculer votre ration au plus juste et prévoir la complémentation nécessaire.

Que faire sur les prairies abimées ?

Si les conditions le permettent, un passage de herse pour niveler le sol peut être passé. Il faudra attendre l’automne pour juger de l’intérêt ou non de faire un regarnissage ou une rénovation de la prairie.
Il peut aussi être nécessaire de s’intéresser au pH du sol : un pH trop acide pouvant amener des problèmes de structure du sol et donc jouer sur sa résilience à l’excès d’eau.

La Chambre d’agriculture vous proposera une journée pour faire analyser vos fourrages le 9 novembre 2018.

Que semer si je n’ai pas encore réussi à implanter mon maïs ?

De nombreux éleveurs n’ont pas encore pu semer le maïs. Plusieurs stratégies s’offrent à vous :
❚ sur les terres à bon potentiel et surtout en élevage laitier : jusqu’à fin juin il est encore possible de rester sur une culture de maïs en prenant un indice précoce de 200.
❚ Sur les terres plus séchantes, il est possible de trouver d’autres cultures qui se sèment tardivement.

Quelles sont les obligations réglementaires à respecter ?

Réglementairement, toute modification d’assolement par rapport à ce qui a été déclaré lors de la déclaration PAC, doit être signalé à la DDT, et ce tout au long de l’année.

C’est l’instruction technique DGPE/SDPAC/2017-489 du 18/05/2017 qui est le texte de référence en vigueur.

Ce texte précise que « toute modification des surfaces doit être signalée par écrit à la DDTM, dès leur survenance et quelle que soit la date à laquelle ces modifications ont lieu. »

« Le demandeur peut modifier à tout moment un code culture dès lors que cette modification est sans impact sur l’ensemble des régimes d’aides, c’est-à-dire que cette modification ne modifie pas l’admissibilité des surfaces, les critères de respect du verdissement, les aides couplées ou les aides du second pilier. »

Après le 11 juin (date limite pour dépôt tardif), une modification assimilée à un ajout (c’est à dire qui aurait pour conséquence d’augmenter le montant d’aides, exemple remplacer un Maïs par Soja) ne permettra pas de bénéficier de plus d’aides mais la modification sera prise en compte.

Avant de signaler toute modification, il convient donc de vérifier que les critères du verdissement sont toujours respectés (SIE et diversification des cultures) ou d’en mesurer l’incidence.

Le problème se pose davantage pour les parcelles non semées qui resteraient en sol nu. Réglementairement, une telle parcelle doit être déclarée SNE (Surface Temporairement Non Exploitée), elle ne bénéficierait plus des aides DPB. C’est l’enjeu de la demande de dérogation dont il est question dans l’article FDSEA.


Le point sur les jachères

Si sur cette même parcelle, un couvert est suffisamment présent, elle peut éventuellement être déclarée en jachère. Attention toutefois, le texte précise : « les jachères sont définies comme étant des surfaces agricoles ayant un couvert autorisé (Cf encart ci-dessous). Le couvert doit être implanté au plus tard le 31 mai et présent durant une période d’au moins 6 mois comprenant le 31 août. Durant ces 6 mois, le couvert présent ne doit faire l’objet d’aucune utilisation ni valorisation (ni fauche, ni pâture). Par ailleurs, l’entretien des surfaces en jachère est assuré, le cas échéant, par fauche (en laissant les résidus sur place) ou broyage ». L’interdiction de fauche ou broyage, sur une période de 40 jours, est définie par arrêté préfectoral du 6 juin au 15 juillet en Ariège. L’utilisation des jachères fait aussi l’objet de la demande de dérogation formulée.


Accidents de cultures

Enfin, le texte fait prévoit des « accidents de cultures ». Les modifications d’assolement  doivent aussi être signalées. Dans ce cas-là l’éligibilité aux DPB reste acquise, seules sont examinées l’éligibilité aux aides couplées et au verdissement. Mais « si la végétation présente n’est plus suffisamment couvrante, il convient de déclarer cette surface en SNE » (non admissible aux DPB).
Mais « Accident de culture » suppose que la parcelle ait été semée. Une parcelle préparée, qui reste en sol nu du fait de l’impossibilité de semer ne pourra pas être assimilée à un accident de culture.

En pratique

Pour signaler les modifications, le formulaire « Modification de la déclaration » est en ligne sur Télépac. Il convient d’y joindre les photos issues du RPG et/ou le Descriptif des parcelles, documents sur lesquels les modifications sont indiquées en rouge. Vous pouvez vous rapprocher de votre conseiller de la Chambre d'agriculture au 05 61 02 14 00.

 Semis des cultures d’été : est-ce encore possible ?

Avec des fenêtres d’interventions très courtes et une pluviométrie importante, les semis de cultures d’été ne sont toujours pas terminés en Ariège. Comme évoqué dans le Terres d’Ariège du 25 mai 2018, les précocités des cultures principales sont souvent trop tardives et un réajustement du choix de la variété s’impose.
Maïs : Pour atteindre la maturité physiologique (32 % d’humidité) le 20 octobre, toutes les variétés tardives et demi-tardives sont à proscrire. Les indices les plus appropriés à ce jour sont des 250 (précoces B) voir des 300 (demi-précoces C1).
Soja : seulement des variétés des groupes 00 et 000 peuvent être semées à partir du 15 juin, de préférence sur des parcelles irriguées.
Sarrasin : possible jusqu’à fin juin sans irrigation, mais s’assurer un débouché avant de semer.
Sorgho : préférer des variétés précoces à très précoces afin de garantir la récolte dans de bonnes conditions.

Pour les semis à venir, la précocité des variétés est très importante :
❚ Pour éviter des frais de séchage importants : à environ 1€/t pour 1% d’humidité, des récoltes de maïs autour de 25-30 % d’humidité peuvent s’avérer onéreuses.
❚ Pour s’assurer l’implantation des cultures d’hiver ou des couverts végétaux dans de bonnes conditions, sans compacter les sols ni trop retarder les semis.

Témoignage
Bernard Eychenne, éleveur laitier
à La Bastide-de-Sérou


"Sur le canton de La Bastide-de-Sérou, nous avons régulièrement une pluviométrie plus abondante que sur le reste du département. Mais cette année 2018 est particulièrement difficile. En mai, nous avons reçu 146 millimètres de pluie et 90 millimètres du 1er au 10 juin, quasiment le double d’une année moyenne.


La mise à l’herbe, d’habitude réalisée entre le 12 et le 20 mars, a été retardée au 1er avril pour la portance des sols. L’herbe était déjà haute avec dès ce stade une qualité bien moindre. Une valeur nutritive effectivement appauvrie avec une incidence directe sur la quantité de lait produite sur mon exploitation. Lors de la mise à l’herbe, j’ai été contraint de revoir la ration est de rouvrir le silo d’ensilage de maïs, normalement fermé jusqu’au 1er juillet, et de compléter avec un kilo de soja pour équilibrer la ration. En période de pousse de l’herbe, les vaches sont normalement uniquement au pâturage et reçoivent un kg d’orge par jour.  Pour ce printemps, j’ai donc tiré davantage sur mes stocks en retardant la mise à l’herbe et complémenté la ration pour maintenir la production laitière à 20 litres. Une quantité qui serait de l’ordre de 15/16 litres par jour si je n’avais pas modifié mon système. Un coût de production donc plus élevé pour simplement maintenir la production actuelle.


A la date du 25 avril, j’ai pu semer 7 ha de maïs destinés à l’ensilage. La fenêtre météo a été très courte et pas possible pour tout le monde. Il y avait beaucoup de mouillères, beaucoup agriculteurs n’ont pas pu rentrer sur les parcelles. J’ai par contre des pertes à la levée. Une autre parcelle de 3,5 ha a été semée en dérobé le 26 mai après l’ensilage des méteils. Une date aussi tardive pour l’ensilage, réalisé autour du 10 mai en temps normal. C’est maintenant l’inconnu sur les rendements de ces maïs. Je prévois éventuellement le semis de 3 ha supplémentaires après la récolte de l’orge, mais tout dépendra de la date des moissons. Un achat à l’extérieur sera peut-être à prévoir.


Chaque année, je pratique le pâturage tournant avec des parcelles d’un demi-hectare par jour pour 40/45 animaux. 15 ha sont déprimés. Cette année, les animaux n’ont pas pu passer partout. J’ai fait rapidement le choix de débrayer une parcelle de 2,5 ha qui sera destinée à de l’enrubanné. Autre incidence de ces intempéries : les animaux sont généralement rentrés pendant la nuit à cause des conditions d’humidité excessive. L’herbe est présente mais les animaux n’en profitent pas pleinement, on ne peut pas l’exploiter comme il le faut. Sur certaines parcelles, j’ai fauché juste avant l’entrée des animaux dans le parc. Les vaches mangent l’herbe coupée et laissent l’herbe trop mature. Grâce à cela, je garantie une repousse plus riche pour le troupeau et sans refus. Il faut par contre, pouvoir entrer dans la parcelle, ce qui n’est pas toujours le cas.

Pour la réalisation des stocks, c’est pareil. L’herbe est abondante mais la qualité ne sera pas au rendez-vous. Même avec quatre jours de bon, on ne peut rien faire quand même. Il faut laisser sécher avant de faucher. Ces intempéries ont de lourdes conséquences sur les travaux de saison avec un impact à prévoir sur le plus long terme".

Propos recueillis par GC

Dossier réalisé par Sébastien Petitprez, Patrick Béral, Véronique Bégué, Txomin Elosegui et Aude Pelletier avec le concours financier du CasDAR.